Sécurité lancé immédiatement après les carnages qui ont ensanglanté la capitale britannique, le texte sera présenté en Conseil des ministres le 5 octobre
Antiterrorisme : la nouvelle panoplie française après les attentats de Londres
Le projet de loi antiterroriste qui devrait être présenté en Conseil des ministres le 5 octobre en est aux derniers ajustements. Le Figaro a eu accès à ce texte dont le gouvernement avait lancé la rédaction tout de suite après les attentats de Londres perpétrés en juillet dernier. Ses 16 articles renforcent la surveillance en étendant notamment les moyens des services de renseignement, et répriment plus durement les terroristes.
Jean Chichizola
[10 septembre 2005]
La nouvelle loi antiterroriste repose sur deux principes : prévention et répression. Le texte renforce d'abord les moyens de surveillance appliquée aussi bien aux individus qu'aux véhicules, aux biens matériels ou aux communications. Dix points saillants en ressortent.
1. Les cybercafés stockeront leurs données
L'article 6 prévoit une assimilation des cybercafés aux opérateurs de communication comme SFR ou France Télécom. Ils seront donc obligés de stocker leurs données de connexion pendant un an. En France, l'enquête sur Richard Reid avait ainsi mis en évidence l'utilisation de ces établissements.
2. Le téléphone sous surveillance
Les services antiterroristes auront accès, en dehors de toute procédure judiciaire, aux données de connexion téléphonique (identification de numéros) et à la localisation géographique de l'appel. Pour éviter les abus, un contrôle sera assuré par la Commission nationale informatique et liberté et par des fonctionnaires nommément désignés par une autorité «hors hiérarchie policière».
3. Les fichiers accessibles
Policiers et gendarmes auront accès, là aussi en dehors de toute procédure judiciaire, aux fichiers des permis de conduire, des cartes grises, des cartes d'identité et passeports, et à celui des étrangers. Cette consultation suivra les mêmes règles que pour la surveillance téléphonique.
4. Le contrôle des voyages d'individus «à risque»
Les services antiterroristes auront accès aux cartes d'embarquement et de débarquement des compagnies aériennes, aux passeports des passagers et aux listes des agences. Les policiers pourront ainsi repérer des voyages de suspects vers des destinations à risque.
5. Les voitures suivies à la trace
Les services antiterroristes pourront, dans des zones déterminées, procéder au contrôle automatique des plaques d'immatriculation et photographier un véhicule et ses occupants.
6. Les contrôles d'identité dans les trains transnationaux
Les policiers pourront procéder à des contrôles d'identité dans les trains internationaux traversant la France sur l'ensemble de leur parcours sur le territoire.
7. La vidéosurveillance à l'ordre du jour
La France compte 61 000 systèmes vidéo autorisés et le Royaume-Uni 4 millions. Certaines mesures sont bien connues, comme l'autorisation de filmer la voie publique par des caméras privées ou la possibilité pour les préfets d'ordonner l'équipement des sites «sensibles». D'autres sont inédites comme l'obligation d'une évaluation, et éventuellement une modernisation, des systèmes cinq ans après leur installation.
8. Des peines plus lourdes
Deux articles reprennent les mesures annoncées par le ministère de la Justice le mois dernier. Le premier prévoit que les personnes directement impliquées dans la préparation d'un attentat seraient passibles d'une peine de 20 ans de prison et 350 000 euros d'amende devant les assises spéciales. Les dirigeants du réseau risqueraient de leur côté 30 ans de prison et 500 000 euros d'amende. Le second article prévoit la centralisation à Paris de l'application des peines.
9. Une naturalisation sous surveillance
Le délai d'annulation d'un décret d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française serait porté de un à deux ans. Celui permettant d'engager une procédure de déchéance de la nationalité française contre des individus ayant commis des actes de terrorisme ou porté atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation passerait de dix à quinze ans à compter de la date de naturalisation. Cette dernière mesure vise particulièrement les cellules dormantes installées de longue date dans l'Hexagone avant d'agir.
10. Frapper les terroristes au portefeuille
Le projet permettrait au ministère de l'Économie et des Finances de décider, par voie d'arrêté, le gel des avoirs de personnes commettant ou tentant de commettre des actes de terrorisme.
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